Je pense que si tu désires porter plainte, si tu considères que c'est la chose à faire, le mieux, c'est encore d'y penser, de l'envisager sans te mettre de pression, jusqu'à ce que tu te sentes capable de franchir le pas. Si tu ne t'en sens pas encore la force, ça ne signifie pas forcément que tu ne le feras jamais. Si tu n'es pas prête psychologiquement, tu as le droit au temps de réunir les ressources nécessaires pour franchir ce cap. Ta notion d'un besoin de porter plainte est plus récente que ton viol, apparemment (j'ai lu ton récit des faits). Tu as pu voir que cette seule notion mettait du temps à émerger. Je pense que c'est pareil pour la capacité à porter plainte.
Après... Pour être passée par là, je peux te dire que ce n'est pas parce que tu déposes contre ton agresseur que tu devras le revoir de sitôt. Ma première agression date d'il y a six ans et n'est toujours qu'un dossier qui revient de temps en temps dans ma vie, lorsqu'on me re-convoque au poste pour me demander de nouveaux détails, mais je n'ai toujours aucune idée de l'identité de mon agresseur et j'ignore s'il a jamais été entendu par la police. Porter plainte est une épreuve ; les suites de ta déposition en sont une autre, mais temporellement, les deux pourraient être très éloignées l'une de l'autre. Je ne sais pas si c'est une bonne chose, mais je ne pense pas que tu doives t'attendre à tout devoir gérer en bloc. Une enquête prend du temps.
Concernant ta peur de la réaction de ton entourage... Ce que je peux dire, c'est que sortir de l'ombre te fixera quant à la valeur de ta relation avec tes proches. Ma famille m'a tourné le dos lorsque j'ai voulu parler des violences que j'avais subies et ç'a compté parmi les choses les plus horribles que j'aie vécues de ma vie. Mais dans le fond, si c'est ainsi que ça s'est passé, c'est que l'amour que me portent mes parents est loin d'être inconditionnel, et je préfère vivre en le sachant, avoir fait mon deuil à leur sujet, plutôt que de me voiler la face et me taire pour entretenir encore l'espoir qu'ils soient le genre à me soutenir. Tu reconnais toujours tes vrais amis en les confrontant à ce que tu leur caches par peur de les perdre. Je ne dis pas forcément que c'est une épreuve souhaitable, c'est à toi de décider si tu veux savoir ce qu'il y a derrière les apparences. Je dis juste que je l'ai vécu et que je suis toujours en vie. Mes rapports avec mes parents sont moins douloureux qu'avant, maintenant que je sais que leur amour ne vaut pas les souffrances que je m'infligeais pour ne pas le perdre. Du reste, j'ai aussi perdu toute confiance en autrui en passant par là. Je ne me fais plus d'illusion sur personne, ne m'attache plus, ne me livre plus si ce n'est à une seule personne qui m'est toujours restée fidèle. Si les gens autour de toi ont un minimum d'intelligence/sont prêts à en apprendre plus sur les conséquences d'un trauma post-viol pour toi, ils seront capables de comprendre, en ayant vent de ta plainte, que tu aies défendu ton agresseur et nié le viol, en premier lieu. S'ils t'aiment, ils t'écouteront et te croiront quand tu leur expliqueras pourquoi tu t'es tue, pourquoi tu ne t'es pas débattue. A la limite, fais-leur lire le post dans lequel tu décris les faits ?
Dans tous les cas, si tes proches apprennent pourquoi tu veux porter plainte, le risque existe effectivement que tu les perdes, qu'ils te déçoivent et que tu te retrouves seule. Mais alors, tu réaliseras que tu l'auras toujours été et tu pourras repartir sur des bases plus saines, peut-être avec d'autres gens qui respectent ta parole et ton expérience.
Du reste, tes proches ne sont pas obligés de savoir ce que tu ne veux pas leur révéler. Porter plainte et te confronter à leurs réactions sont encore deux épreuves différentes, si tu désires qu'ils ignorent ta déposition.